Quand j'étais élève en Seconde en 1985-1986, le président François Mitterrand avait mis en place la proportionnelle à la plus forte moyenne pour les élections législatives. Nous avions donc eu droit, en Sciences Economiques et Sociales, à un cours sur le fonctionnement de ce mode d'élection qui n'est pas simple et qui demande quelques explications. L'idée de François Mitterrand était que grâce à la montée du Front National et aux divisions entre l'UDF et le RPR, il espérait que la Gauche pourrait sauver les meubles... Hélas pour lui, à l'époque, l'unité de la Droite avait été telle que à quelques sièges près, la Droite avait obtenu la majorité absolue à l'Assemblée Nationale ce qui avait permis à Jacques Chirac de (re)devenir Premier Ministre en mars 1986 sans avoir à dépendre du soutien du FN.
Les élections sénatoriales à Paris dimanche dernier sont une nouvelle très bonne illustration du fonctionnement du mode de scrutin proportionnelle à la plus forte moyenne. En effet, voici les résultats : la liste de Gauche a obtenu 1 449 voix (61,2%), la liste officielle UMP de Chantal Jouanno a obtenu 542 voix (22,9%), la liste dissidente de Droite menée par Pierre Charron a obtenu 189 voix (8,0%), la liste du Centre droit a obtenu 181 voix (7,6%) et une petite liste indépendante de droite a obtenu 6 voix (0,2%). Or, il y avait 12 sièges à désigner pour Paris. Voici, concrètement comment se fait le calcul :
La répartion en divisant par le quotient
Il faut d'abord calculer le "quotient". Pour cela il faut diviser le nombre total de voix (2367) par le nombre de sièges (12), ce qui donne 197,25. On utilise alors ce quotient pour faire une première répartition des sièges en divisant le nombre de voix par le quotient :
Liste unifiée de Gauche : 1449 / 197,25 = 7, 34 ==> 7 sièges
Liste UMP : 542 / 197,25 = 2, 74 ==> 2 sièges
Liste droite dissidente Charron 189 / 197, 25 = 0, 95 ==> 0 siège
Liste centre droit : 181 / 197,25 = 0,91==> 0 siège
Liste droite indépendante 6/ 197,25 : 0,03 ==> 0 siège
9 sièges ont donc été répartis de cette façon. Il reste 3 sièges à répartir. Pour cela on regarde, quelle liste obtient la "plus forte moyenne" en divisant son nombre de voix par son nombre de sièges en ajoutant un siège supplémentaire. On refait l'opération jusqu'à ce que tous les sièges soient répartis.
Désignation du 10e siège :
Liste unifiée de gauche 1449 / (7+1) = 181,125
Liste UMP 542 / (2+1) = 180,66
Liste Charron 189 / (0+1) = 189
Liste Centre droit : 181 / (0+1)= 181
Liste indépendante de droite : 6/(0+1) =6
C'est la liste Charron qui obtient la plus forte moyenne et donc qui obtient le 10e siège.
Désignation du 11e siège :
On refait la même opération mais le seule changement est que pour liste Charron on divise 189 par (1+1) ce qui fait 94,5. Donc désormais pour le 11e siège c'est la liste unifée de gauche qui a la plus forte moyenne.
Le 11e siège revient donc à la Gauche unifiée qui obtient 8 sièges.
Désignation du 12e siège :
On refait une dernière fois la même opération mais cette fois si pour la gauche, on divise 1449 par 8+1 ce qui fait 161. Donc désormais, c'est la liste centre droit qui de justesse (1 voix près !) obtient une plus forte moyenne que la liste officielle de l'UMP.
Le 12e siège revient donc au Centre droit.
La répartition finale :
La répartition finale est donc la suivante : la Gauche unifiée obtient 8 sièges, la liste UMP obtient 2 sièges, la liste dissidente de Droite Charron 1 siège et la liste Centre droit 1 siège.
Pour cette élection, les candidats de Gauche ont eu l'intelligence de faire une liste commune PS, PCF et Europe écologie les Verts. Par exemple la maire du 4e arrondissement, Dominique Bertinotti a mangé son chapeau et accepté de ne prendre que la 10e place (alors qu'elle ambitionnait la 4e place qui a été cédé à Marie-Noëlle Lienemann qui était parachutée de la région Nord-Pas-de-Calais).
Un calcul avec une autre hypothèse :
Si à Droite et au Centre droit, les convictions prévalaient sur les petits intérêts personnels, le résultat aurait été différent. En effet, si on additionne les voix de la liste UMP, celle de M. Charron et celle du Centre droit, on obtient 912 voix. Je me suis amusé à refaire le calcul. Dans ce cas, cette liste unifiée aurait obtenu 5 sièges et la Gauche n'en aurait obtenu que 7. Je passe les détails mais il suffit de diviser 912 par le quotient (197,25) ce que donne 4,62. Il y a donc 4 sièges obtenu de cette façon. Puis, si on fait le calcul à la plus forte moyenne pour le 10e siège, le résultat 912 /(4+1)= 182,4 ce qui fait une moyenne supérieure à la Gauche (181,12).
La morale de l'élection :
Bravo donc à la Gauche parisienne qui, grâce à son unité, avec 61% des voix obtient 66,66% des sièges. Elle est récompensée car ses dirigeants savent s'unir pour défendre leurs convictions collectives.
Avec autant de petits ambitieux médiocres et insignifiants qui se regardent uniquement le nombril, la Droite et Centre droit ne sont pas prêts de reprendre le pouvoir à Paris. M. Delanoë et Mme Hidalgo peuvent dormir tranquilles...
Les commentaires récents