Je publie ce long article pour faire un bilan de l'opération anti-flyers et affichage sauvage qui a eu lieu le week end dernier dans le secteur de la rue des Archives.
J'ai initié cette idée au sein du conseil de la Charte de la rue des Archives (dont le texte prévoit de mettre fin au déversement des flyers) lors de la réunion du 11 mai dernier. L'idée a été soutenue par les représentants de riverains... et acceptée par les représentants des commerçants. Je l'ai aussi présentée devant le Conseil de quartier Saint-Gervais du mardi 17 mai. Elle a pu réussir grâce à la mobilisation de l'association Vivre le Marais ! (qui a consacré un article au sujet de l'opération le lendemain de son lancement) et grâce à la participation d'une quinzaine de personnes que je tiens vivement à remercier car sans elles, bien sûr, cette idée aurait sombré dans le ridicule.
Le but de cette opération, telle que je l'ai présentée et telle qu'elle a été approuvée par le Conseil de quartier Saint-Gervais, était de parvenir à collecter la plus grande partie de ce qui est affiché et déposé sur la voie publique (y compris sur les voitures) pendant un week end entier. L'idée était de parvenir à une prise de conscience et de créer un sentiment que quelque chose peut se passer.
Nous avons donc mis en place six "tournées" de ramassage : une le jeudi soir à 19h, deux le vendredi soir (à 19h et 22h) et trois le samedi (à 15h, 19h et 22h). Pour donner de la visibilité à notre opération j'avais préparé des badges indiquant que nous étions soit membre du Conseil de la Charte de la rue des Archives soit membre d'un Conseil de quartier. Le dispositif était soutenu par la mairie qui avait informé la police et qui avait prévu en mairie des bacs jaunes pour collecter les flyers et les affiches. A la demande de la maire, j'avais aussi prévu des gants pour que le ramassage se fasse dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité.
I) Le bilan de l'opération nous rappelle tout d'abord quelques évidences pour nous les riverains :
1°) Nous avons été conduits à retirer régulièrement des affiches et des flyers déposés de façon anarchiques. Surtout le samedi soir lors du passage entre 22h et 23h, les voitures étaient couvertes de flyers :
2°) Les distributeurs de flyers n'hésitent pas non plus à déposer sur les rebords des fenêtres des tas entiers de flyers comme nous avons pu le constater lors du passage du samedi à 19h :
3°) Les flyers finissent souvent -bien sûr- sur la chaussée ce qui conduit à une nuisance encore plus grande :
Nous les avons bien sûr ramasser pour faire place nette.
4°) L'espace est sursaturé en affiches sauvages disposées sur les murs et sur les cabines téléphoniques. Les affiches arrachées sont remplacées très rapidement en soirée.
II) On peut tirer plusieurs conclusions qui montrent l'utilité de cette action :
1°) Nous avons réussi à trouver des volontaires pour chacune de nos tournées. Cela montre qu'il y a dans le quartier des riverains concernés qui sont prêts à agir et à donner -bénévolement bien sûr- de leur temps. Cela nous a ainsi permis de nous connaître et de créer du lien ce qui est un premier point positif. Le doux sentiment de se sentir un peu moins seul !
2°) Pendant nos tournées, une partie importante des riverains nous ont encouragé et nous ont apporté leur soutien. La question qui revenait souvent était de savoir pourquoi rien n'avait été fait jusqu'ici. Nous avons receuilli plusieurs témoignages de personnes qui nous expliquaient qu'elles essayaient de ramasser individuellement mais qu'elles se sentaient désemparées.
3°) Pour la 1ère fois depuis des années, notre quartier a retrouvé un aspect agréable sans affiches à tous les coins de rue. La cabine téléphonique située devant le 18 rue des Archives a eu une apparence inédite pendant tout le week end (au prix il est vrai de nombreux passages pour retirer les affiches scotchées). J'ai donc pu faire la photo de la cabine telle qu'on a pu la voir pendant la plus grande partie de ce week end :
Cela m'a confirmé dans l'idée que nous sommes habituellement "agressés" par les affiches et les flyers qui saturent notre espace.
4°) L'espace concerné par la sur-saturation en affiches et flyers est relativement limité. Il s'agit d'un périmètre compris entre la rue de la Verrerie au Sud, la rue des Blancs Manteaux au Nord, la rue de Moussy à l'Est et la rue du Temple à l'Ouest avec une pointe jusqu'à la rue du Renard au niveau de la rue Saint-Merri.
5°) Pour ceux qui auraient besoin de s'en convaincre, le stock total des flyers et des affiches que nous avons collectés est impressionnant. Deux membres du cabinet de la maire en ont été témoins lorsque nous avons déposés l'ensemble place Baudoyer lundi après-midi à 15h. Voici une photo avec le "tas" d'affiches et de flyers :
Ceux qui croient en l'écologie et dénoncent le gâchis de papiers ne peuvent que nous soutenir.
III) L'opération doit conduire à quelques améliorations si nous voulons que son effet soit durable :
1°) Nous n'avons pas eu à déplorer d'incidents car nous étions en groupe et que nous avions des badges. Une seule personne nous a longuement pris à partie pour nous dire que nous étions des "enmerdeurs" et que nous devions accepter le droit à "s'amuser". D'après ce monsieur, nous ne représentions rien et si nous n'étions pas contents nous n'avions qu'à aller vivre en banlieue ! Cela pose à mes yeux un problème : celui de la reconnaissance et de la participation des pouvoirs publics à notre action. Si les pouvoirs publics ne nous apportent pas un soutien plus visible et plus officiel notre action ne réussira pas. Pourquoi certains élus ne pourraient-il pas ponctuellement nous accompagner ?
2°) Certains membres (deux riveraines) de notre groupe ont essayé de se lancer dans un ramassage impromptu le dimanche soir à 20h. Elles ont alors été prises à partie et ont du cesser. Cela montre que le "droit" de poser des flyers sur les voitures et de mettre des affiches partout est perçu par certains visiteurs du Marais comme normal et que cela est devenu une coutume que l'on ne peut pas envisager de remettre en question. Il faut donc -là encore avec les pouvoirs publics- faire un effort de communication pour expliquer que sans remettre en cause l'identité du quartier, on doit quand même mettre fin à cette dérive qui conduit le secteur Archives à être un vrai dépotoir. Trop de visiteurs du Marais considèrent que la "déco" est normale tout comme s'ils étaient dans une immense discothèque à ciel ouvert.
3°) L'opération a montré que ce ramassage des flyers et des affiches sauvages est un véritable travail de Sisyphe. Il faut sans cesse passer et repasser. L'initiative citoyenne avait pour but de contribuer à montrer l'ampleur du problème mais aussi qu'une partie importante de la population nous soutient et est prête à participer. Cependant, face au déluge de flyers et d'affiches qui est dû à une logique commerciale et publicitaire, nous ne pourrons rien faire de durable sans rencontrer les émetteurs de ces affiches et des flyers en proposant une alternative. Il faudrait proposer des lieux pour que cette publicité puisse être reçue par la clientèle cible sans pour autant monopoliser l'espace public.
4°) Il est surprenant qu'une partie des affiches et des flyers comportent le logo de la Ville de Paris. Si celle-ci finance véritablement certaines manifestations, elle pourrait au moins mettre comme condition que les affiches et les flyers soient distribués d'une façon respectueuse de l'espace public. Ceux que nous avons trouvés en plus grand nombre concernent un "Pariscircuit" gay qui doit avoir lieu fin juin et qui comporte la mention de ce label. On le trouve aussi pour la promotion de la manifestation suivante :
On peut se demander si la mention "mairie de Paris" qui apparaît en bas à gauche signifie qu'elle est subventionnée par nos impôts. En tout cas, si tel est le cas, cela pourrait être conditionné au fait que les affiches et les flyers ne soient pas diffusés de manière sauvage sur la voie publique.
Conclusion :
L'organisation de cette action nous a pris pas mal de temps et d'énergie. Le stockage d'une vingtaine de sacs pleins d'affiches et de flyers n'a pas non plus été une partie de plaisir. Si certains veulent prendre la suite de l'organisation de l'opération, je suis bien sûr prêt à les soutenir.
Cependant, encore une fois, j'ai peur que, sans un soutien encore plus visible de la mairie du 4e et sans un partenariat actif avec les services de la Propreté de la Ville de Paris, nous ne soyons condamnés à l'échec à plus ou moins long terme. Certes, un vide juridique rend la Ville de Paris impuissante pour sanctionner les émetteurs de flyers et d'affiches sauvages, mais elle pourrait nous épauler en prévoyant du personnel pour le ramassage. Dans une grande ville comme Paris, il est incroyable qu'on ne puisse pas envisager d'avoir des agents pour intervenir aux côtés des riverains au moment où cela est nécessaire. Si tel était le cas pendant une période relativement prolongée je suis certain que nous pourrions obtenir un vrai changement. On pourrait alors gagner beaucoup de temps et d'énergie sur le laborieux et pénible nettoyage que doivent faire chaque matin les personnels de nettoyage de la Ville de Paris.
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