Au Metropolitan Museum of Arts où j'étais en avril dernier, j'ai été content de voir ce tableau de Jacques-Louis David représentant Antoine Lavoisier et sa femme. En effet, avant la mise en place des nouveaux programmes de 4e, il fallait étudier avec les élèves un scientifique de l'époque des Lumières et le manuel de mes élèves avait choisi ce savant avec une très grande reproduction du tableau de David.
Cependant, en creusant la question, je me suis rendu compte que ce tableau avait un rapport avec le 4e arrondissement. En effet, le peintre représente ici Lavoisier et sa femme en 1788.
Or j'ai appris par un article très complet de la Revue d'Histoire de la Pharmacie (n°306 de 1995) que son laboratoire se trouvait dans l'actuel 4e arrondissement. En effet, on apprend dans cette étude très documentée qu'Antoine Lavoisier, marié depuis 1771 avec Marie-Anne Paulze (qui avait 13 ans de moins que lui), se sont installés dans le Petit Arsenal en 1776, un an après sa nomination à la régie des Poudres et Salpêtre. Le petit Arsenal comportait deux cours, il donnait sur la Bastille et avait un accès par la rue de la Cerisaie comme on le voit sur le plan Turgot des années 1730 ci-dessous.
L'Hôtel des régisseurs des Poudres était un très bel Hôtel particulier qui a été détruit en 1871 lors de la Commune de Paris. Lavoisier y disposait de splendides appartements, d'une bibliothèque et d'un vaste laboratoire sous les combles.
Lavoisier y partageait son temps entre ses fonctions de régisseur des poudres et ses recherches scientifiques (auxquelles il consacrait 6h par jour, plus le samedi). Sa femme y jouait le rôle d'assistante scientifique et de secrétaire (ce n'est pas un hasard si elle est représentée avec son mari sur le tableau de David).
C'est à cet endroit que le 27 février 1785, Lavoisier présenta devant un groupe de scientifiques une expérience "cruciale" : celle de la synthèse de l'eau.
David a représenté dans le tableau, les différents objets qui permettaient de faire ce type d'expérience :
Parmi les hôtes que Lavoisier reçut au petit Arsenal, on voit apparaître une liste impressionnante de scientifiques et d'ingénieurs de cette époque : Benjamin Franklin, James Watt, Laplace, Monge, l'astronome Bailly.
Antoine Lavoisier et sa femme quittèrent ce lieu dans la tourmente révolutionnaire quand il perdit en août 1792 sa fonction de régisseur des poudres. Membre du comité chargé de réformer les impôts mis en place par la Convention, il fut arrêté en novembre 1793 car il fût accusé d'avoir spéculé "contre le peuple". Lors de son procès, le président du tribunal révolutionnaire affirma "La République n'a pas besoin de savants ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu". Antoine Lavoisier fut guillotiné le 8 mai 1794 place de la Révolution (actuelle place de la Concorde). Le mathématicien Lagrange lui rendit un très bel hommage : "Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête et cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable".
La statue de Lavoisier figure sur la façade de l'Hôtel de Ville (voir mon article du 20 janvier 2012).
La révolution française a beaucoup à se faire pardonner.
J'ai une pensée pour l'auteur de "Rien ne se perd, rien ne se crée" qui fait de nous des poussières d'étoiles.
Rédigé par : Gérard Simonet | samedi 01 juillet 2017 à 19h54