Nous célébrerons après-demain le 20e anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE). J'en profite pour publier la photo de ce tableau (que j'ai photographié au musée du Tau à Reims cet été) représentant Louis XV enfant sur le trône de France peint par Hyacinte Rigaud. On verra pourquoi dans la suite de l'article.
Cet anniversaire me permet, en effet, de revenir sur une conférence qui s'est tenue le 27 octobre dernier dans la salle des mariages du 4e arrondissement. Il s'agissait du cycle "Cité Santé" proposé par le 1er adjoint du 4e, Jean-Louis POURIAT. Connaissant les qualités humaines de cet édile, qui par ailleurs est le directeur du service des urgences de l'Hôtel-Dieu, cela faisait plusieurs fois que j'avais voulu assister à ces conférences sans en avoir le temps jusque-là.
La conférence qui avait pour thème "Droit à l'enfant... Droits de l'enfants" a permis l'émergence de deux points de vue relativement opposés.
Le professeur René FRYDMAN, grand spécialiste d'obstétrique, a affirmé ses réticences face à ce qu'il a appelé la survalorisation de la parenté génétique. Il s'est par exemple interrogé sur le danger de voir disparaître l'accouchement sous X. De plus, le Pr s'est vivement opposé à la "chosification" (expression par la suite reprise par Mme BERTINOTTI) que représente la pratique des mères porteuses. Il a évoqué par exemple les couples américains qui recourent à des milliers de mères porteuses en Inde. De plus, il semble qu'en Espagne, la crise ait pour conséquence une baisse du tarif facturé par les mères porteuses... les prix étant à la baisse en raison de l'augmentation du nombre de femmes prêtes à porter un enfant en raison de leur situation difficile.
La maire du 4e arrondissement, Dominique BERTINOTTI, est intervenue sous deux points de vue. En tant qu'historienne, elle a rappelé que par le passé, les enfants après avoir été ignoré en tant que sujet du droit sont devenus dans les sociétés développées des "enfants rois". L'expression m'a fait repenser à ce tableau de Rigaud puisque paradoxalement, à l'époque où les enfants n'avaient pas de droit, il était possible qu'un enfant soit roi. Mme BERTINOTTI a cité les travaux de l'historien Philippe ARIES, mort en 1984 (dont les travaux ont été novateurs en leur temps).
En tant que politique, Mme BERTINOTTI a affirmé sa crainte que l'époque actuelle marque une nouvelle étape que l'on pourrait considérer comme une objetisation de l'enfant avec l'insitance mise non plus sur le droit DE l'enfant mais le droit à l'enfant. Elle a ainsi dénoncé -avec raison- la disparition du "Défenseur des Enfants", fonction exercée depuis 2006 par Dominique VERSINI. La maire du 4e a soutenu un point de vue très personnel en affirmant qu'elle s'interrogeait sur le développement de techniques [dons de spermes, dons d'ovule, dons d'embryons] qui dans le cadre du droit actuel conduit des enfants à tout ignorer de leur(s) parent(s) biologique(s). Elle a soutenu l'idée que les enfants avaient le droit à connaître leurs parents génétiques et d'avoir accès à la connaissance de leur histoire familiale. Cela a paru suprendre une partie de l'assemblée.
Pour comprendre le point de vue de la maire, il faut peut-être analyser ce que l'on appelle "le droit à l'enfant". Il faut distinguer deux définitions du mot "enfant". En effet, l'enfant est à la fois compris comme un mineur (au sens juridique du terme), un être fragile en construction. Le "droit à l'enfant" peut donc alors être considéré tout d'abord comme un droit à pouponner, à éduquer et à former un ou des êtres en devenir. L'enfant est aussi l'héritier (tant que les parents sont vivants, leur progéniture reste en ce sens leur "enfant") et il signifie dans ce cas le droit d'avoir une descendance. Le droit à l'enfant serait ici compris comme un droit à transmettre un patrimoine et/ou une histoire familiale.
A ce droit à la descendance, à la transmission, qui semble de plus en plus admis comme normal, je suis assez d'accord avec la maire du 4e pour défendre l'idée que la contrepartie devrait être un droit à "l'ascendance", un droit à connaître ses ancêtres. Pour m'être penché avec mon père sur nos origines familiales depuis moins de 4 ans, je dois admettre la recherche généalogique procure un vrai plaisir (Voir mon blog de généalogie familiale). Dans de nombreux cas, l'impossibilité de connaître ses origines crée de profonds traumatismes.
Cependant, en ce qui concerne l'accouchement sous X, il faut aussi prendre en compte la détresse de femmes qui sont dans des conditions de vie difficile. En remettant en cause, ce "droit" ne risque-t-on pas de conduire certaines mères qui veulent cacher un enfant à commettre des gestes encore plus graves (infanticide, abandon de bébés dans des lieux non adaptés,...).
Les intervenants du public et les deux invités du débat mené par Jean-Louis POURIAT sont arrivés à l'idée que dans ce domaine de l'éthique qu'est "le droit à l'enfant" il n'y avait pas de solution simple. De plus, ce "droit à l'enfant" devait s'accompagner d'un minumum de coordination internationale pour prendre en compte les droits de l'enfant et le respect de la dignité humaine. Le sujet reste problématique et il est difficile d'affirmer des vérités absolues.
Finalement, cette conférence ne m'a apporté qu'une seule certitude : Mme BERTINOTTI a montré son ambition de devenir députée ou sénatrice. Elle s'est présentée en tant que "potentiel législateur" et le mot "légiférer" n'a cessé de revenir dans ses prises de parole. Les prochaines sénatoriales sont en 2010 et pour les législatives, il faudra attendre 2012 !
La prochaine conférence "Cité Santé" aura lieu lundi 7 décembre et aura pour thème la grippe A (avec une intervention de Corinne Lepage députée européenne et le Pr François Bricaire, chef du services des maladies infectueses de la Pitié Salpêtrière).
P.S. : mon ami Marc, qui était aussi présent à cette conférence du 27 octobre,en a aussi faitun compte-rendu très intéressant sur son blog.
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