Le mercredi 11 mars 2009, j'ai assisté à la réunion qui était organisée à l'initiative de l'Association Paris Historique (dont je fais partie) et destinée à ceux qui ont signé la pétition pour dénoncer les projets de rénovation tels qu'ils semblaient prévus à l'Hôtel Lambert.
Cette réunion m'a rassuré pour au moins trois raisons :
- 1ère la réunion a été passionnante. Le ton tenu par la plupart des intervenants, et surtout par l'intervenant principal, Jean-François Cabestan, était tout sauf polémique.
- 2e nous avons appris que grâce à la mobilisation qui s'est organisée dans les médias et dans le milieu associatif, le projet initial avait subi ces derniers jours de nombreuses inflexions. (Voir le compte-rendu ci-dessous).
- 3e pour les deux raisons précédentes, je me suis dit que, contrairement à ce que j'avais pu craindre, je n'avais pas eu tort d'avoir signé cette pétition. En raison du manque d'information sur le sujet, certains ont vu dans toute cette affaire avant tout une "caballe" contre le ministère de la Culture. Si les arrières-pensées politiques ne sont pas absentes de ce dossier, il faut cependant admettre que le projet initial de rénovation provoquait légitimement d'énormes inquiétudes.
M. Cabestan a commencé par rappeler l'histoire de cet hôtel qui a le privilège d'avoir été habité par des particuliers depuis sa construction au début du XVIIe siècle. Chose rare, l'organisation générale de l'hôtel n'a pas subi de transformation majeure, notamment au XVIIIe siècle, époque où beaucoup de familles ont subdivisé les grandes galeries.
Il a ensuite expliqué le projet de rénovation initiale tel qu'il était apparu à la fin de l'année 2008. Comme le nouveau propriétaire est un membre de la famille souveraine étrangère (le Qatar), le permis est délivré par la préfecture et ne fait pas l'objet d'une procédure d'information classique. Il semble donc que M. Cabestan ait dû agir clandestinement pour connaître le projet proposé par l'architecte Alain-Charles Perrault.
Le 9 mars 2009, la commission nationale des monuments historiques du ministère de la Culture a rendu un avis favorable aux travaux envisagés mais ces derniers comportaient des modifications par rapport au projet initial qui sont loin d'être mineures. [(Le président de la Commission, M. Clément a souligné que le projet avait beaucoup évolué (voir l'article du journal Suisse Le matin )]. Désormais, les points suivants ont été abandonnés :
- l'idée de créer sous les bâtiments et sous la cour de l'Hôtel un immense espace en sous-sol, ce qui aurait conduit l'hôtel à reposer sur des poutres, a été repoussée. Quand on sait que la zone est inondable ,comme tel a été le cas en 1910, cela semble une bonne idée... Ces malheureux cuvelages ont été évités...
- le percement du mur d'enceinte : en effet, l'abandon de l'idée d'un vaste sous-sol conduit aussi à ne pas créer une sortie voiture qui aurait éventré le mur (au niveau du 2 sur la photographie ci-dessous). Notons en effet, que dès le XVIIe siècle une sortie sur le quai avait été prévu sous la grande galerie (le 3 sous la photo). Il aurait été dommage de percer ce muret qui montre que cette architecture du début du XVIIe siècle est encore très marquée par celle des châteaux-forts du Moyen Âge.
- la mise en place sur les parties hautes de l'Hôtel de "pots à fleurs" que le concepteur du projet avait cru voir sur une gravure du XVIIIe siècle et qui, d'une part n'ont rien d'avérés, et qui, d'autre part, ne correspondaient plus aux restaurations pratiquées aujourd'hui dans lesquelles le but n'est pas de revenir à un état primitif qui est en fait toujours artificiel. (La localisation de ces pots de fleur est désigné par le "1" sur la photo ci-dessous).
- le projet d'installer un ascenseur qui tronçonne la chambre officielle de Lambert a en partie été révisé. Cet ascenseur devrait s'arrêter à l'étage de la chambre (1er étage) et donc ne pas desservir le 2e étage ce qui le conduisait à devoir monté jusqu'au plafond (4,5m).
Il semble cependant que de nombreux points restent très contestables :
- le principal à mes yeux : l'idée de climatiser les 3 300 m² de cet Hôtel particulier, y compris l'immense galerie d'Hercule. Cela ne semble pas très heureux pour la conservation des boiseries et on se demande l'intérêt environnemental que comporte la climatisation d'une aussi grande surface.
- Dans la cour principale (celle qui donne vers la rue Saint-Louis-en-l'ïle), les pièces pour les invités situés à gauche au 1er étage sont radicalement transformées. L'hôtel dispose aujourd'hui encore d'une division en grandes pièces successives comme sous l'Ancien régime. Le projet prévoit de faire tomber la plupart des cloisons pour en installer d'autres avec un couloir et des petites chambres avec salles de bain et placards. C'est vraiment dommage de faire perdre à ce lieu toute sa majesté pour en faire un endroit très banal. Onze cheminées anciennes devraient disparaître.
- la chambre de Lambert, qui était conçue comme la pièce la plus officielle de l'Hôtel, puisque c'est celle où le propriétaire de ce lieu recevait les hôtes de marque, reste gravement défigurée par l'installation d'une salle de bain, de placards et l'ascenseur qui certes ne monte plus au 2e étage.
- l'idée de réhausser le mur d'enceinte d'au moins 50 cm... Ce mur est très harmonieux ainsi et il garde ainsi le volume voulu par l'architecte Le Vau au XVIIe siècle.
Bien sûr ces points doivent susciter débat mais comme ils concernent surtout l'aménagement intérieur, il faut tenir compte des droits du propriétaire à jouir de son bien...
Cette réunion a donc vraiment eu une très haute tenue. Certains participants sont même intervenus pour dire qu'ils se réjouissaient du fait que l'on ait de trouvé des particuliers prêts à financer l'achat (80 millions d'euros) et les travaux de rénovation (20 à 40 millions d'euros). On peut regretter qu'un seul des architectes présents se soit laissé aller à demander "pour qui travaillaient" ceux qui avaient de tels propos (avec l'idée qu'ils étaient peut-être des émissaires de la famille du Qatar). De manière encore plus gênante, une étudiante agitée du bulbe de l'Ecole du Louvre, qui ne semble pas avoir compris la qualité intellectuelle des intervenants, a pris inutilement la parole de nombreuses fois en proposant pour finir d'aller faire le siège du ministère de la Culture. Et pourquoi ne pas aussi le prendre d'assaut ?
Je n'en suis bien sûr pas là pour ma part. Je souhaite vivement que le ou les concepteurs de ce projet puisse(nt) s'expliquer dans un débat contradictoire comme l'ont suggéré d'autres participants.
Je ne suis cependant pas dupe des cris d'effrois poussés par la municipalité et par M. Delanoë. Si le patrimoine du XVIIe siècle leur tient tant à coeur, il ferait bien de mettre en oeuvre les travaux de restauration de l'église Saint-Paul-Saint-Louis, un autre joyeux de l'architecure du Grand Siècle dont les pierres de la façade tombent. Je persiste à ne pas comprendre pourquoi alors que la décision de commencer les travaux dès 2009 avait été prise et votée (en Conseil de Paris et en Conseil d'arrondissement), le maire de Paris a annoncé, sans aucune motivation, le report de la restauration à plus tard lors de la réunion de compte-rendu de mandat en décembre 2008.
Voici les autres articles que j'ai écrits à propos de l'Hôtel-Lambert :
- 24 décembre 2008 : L'Hôtel-Lambert au coeur d'une polémique d'Etat(s) ?
- 6 janvier 2009 : La lettre ouverte de Paris historique adressée à la ministre de la Culture.
- 10 février 2009 : Hôtel Lambert : une série de scoops en Conseil d'arrondissement.
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