En allumant ma télévision ce midi, je découvre une image du 4e arrondissement puisque la manifestation d'aujourd'hui part de la place de la Bastille.
Je fais très rarement grève. En effet, en tant qu'enseignant, j'ai tendance à considérer que la suppression des cours fait de gros dégâts dans la scolarité des élèves. La grève la plus longue à laquelle j'ai participé, entre mars et mai 1998, avait pour but de dénoncer une énorme injustice : la Seine-Saint-Denis était avec la Guadeloupe le département dans lequel le nombre de professeurs par élèves était le plus faible de toute la France. A l'époque le gouvernement avait été, pendant des semaines et des semaines, complètement sourd à notre juste demande (à l'époque la Secrétaire d'Etat à l'enseignement secondaire n'était autre que... Mme Ségolène Royal). Finalement, après deux mois de grève, le gouvernement Jospin avait accepté "le plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis". Cependant, malgré cette victoire, j'ai pu constater l'année suivante, combien cette longue grève avait pénalisé les élèves du collège où je travaillais. Bref, depuis, je suis loin d'être sur que la fin justifie les moyens.
Néanmoins, j'ai décidé de participer à la grève d'aujourd'hui car je suis intimement convaincu que le projet de réforme des retraites tel qu'il est proposé comporte d'énormes injustices qui, je pense, ne me concerne pas moi directement, mais croyant encore -un peu- en l'idée de fraternité que contient la dévise de notre République, je me sens solidaire de certains cas que je trouve particulièrement injustes :
- la carrière de beaucoup de femmes est interrompue par des naissances. La France est un des rares pays où l'indice de fécondité approche des 2 enfants par femme et on ne devrait normalement que se féliciter de cette bonne situation démographique. Quel meilleur moyen pour financer les retraites du milieu du XXIe siècle ?La France a dans ce domaine une situation privilégiée puisque dans de nombreux pays voisins (Allemagne, Espagne, Italie), l'indice de fécondité est inférieur à 1,5 enfants par femme. La réforme telle qu'elle est aujourd'hui prévue va conduire un grand nombre de femmes à ne pas avoir une retraite à taux plein même en travaillant jusqu'à l'âge de 67 ans. Les femmes représentent déjà une énorme part des retraités qui sont bénéficiaires du revenu minimum vieillesse. Tel était le cas de ma grand-mère. Je ne veux pas faire pleurer dans les chaumières mais si mes parents ne lui avaient pas fourni un logement lorsqu'elle a pris sa retraite (à 71 ans !), je ne suis pas sûr qu'elle aurait eu une fin de vie heureuse. Comme on le voit sur la photographie que j'ai capturée en regardant LCI, des députés UMP dénoncent eux-mêmes ce que prévoit le projet en ce qui concerne les femmes (en l'occurrence Marie-Jo Zimmerman, présidente à l'Assemblée Nationale de la Commission aux droits des femmes).
- en ce qui concerne la pénibilité, j'ai écouté attentivement le Premier Ministre François Fillon. Il persiste à confondre pénibilité et invalidité. Certes, une personne qui sera déclaré invalide à 10% aura le droit de prendre sa retraite à 60 ans. Cependant, le problème est que certaines professions ont des conditions de pénibilité qui ne veulent pas dire que les personnes sont forcément invalides à 60 ans. Il existe des cas où la pénibilité est évidente : par exemple, les personnes qui travaillent la nuit (les ouvriers, les infirmières,...). On ne peut pas accuser les Allemands d'être laxystse et pourtant lors de leur réforme des retraites, pour certaines professions, il a été prévu que certains trimestres compteraient davantage.
Bref, on comprendra que je ne fais pas grève pour que le grand soir arrive ou pour que l'on rase gratis. Je ne me bats même pas pour le maintien de l'âge de la retraite à 60 ans puisque de toute façon en raison de l'augmentation du nombre de trimestres nécessaires, cet âge ne correspond plus à rien.
Ce qu'il faut par contre c'est de la JUSTICE. La réforme des retraites, qui est bien sûr nécessaire, doit être profondément revue.
P.S. : Je tiens aussi à dénoncer le sort qui est fait aux professeurs stagiaires de l'année 2010/2011. Pour une raison que j'ai toujours du mal à comprendre, cette génération de nouveaux enseignants a la joie de subir le passage d'un service de 6h/8h à un service devant élève de 16h, et dans le même temps, elle n'a pas expérimenté un stage de 2 semaines l'année préceente pour au moins savoir à quoi ressemble un élève (comme ce sera le cas pour ceux de l'an prochain). Cela va, peut-être en faire ricâner certains, mais un service d'au moins 16h dès la première année, sans aucune préparation préalable, c'est énorme. Que ceux qui ne me croient pas et pensent que tous les professeurs sont des fainéants fassent l'expérience pendant une année. En raison de la suppression de nombreux postes de remplaçants, l'Education Nationale recrute des vacataires de tout âge !
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