En juin 2009, j'ai publié plusieurs articles pour déplorer la fermeture de l'école maternelle François Miron (voir notamment l'article du 12 juillet 2009). Je suis conduit à écrire une suite car une victime collatérale de cette décision continue de subir les effets de cette triste décision : il s'agit de Sylviane à laquelle je vais consacrer ce long article.
En effet, Sylviane a été la concierge de cette école pendant plus de 30 ans. Elle a vu défiler plusieurs générations de jeunes bambins de l'arrondissement. Elle reste dans la mémoire de nombreux parents qui savent combien elle était toute dévouée et impliquée dans sa tâche.
Dans l'émotion provoquée par la fermeture de l'école, les parents avaient insisté pour qu'au moins Sylviane puisse être relogée dans un logement social du 4e arrondissement. C'était au 1er semestre 2009 ! Par la suite, en novembre 2009, Sylviane a accepté de prendre sa retraite.
Elle avait fait dès mars 2005 une demande pour un logement social. Elle ne demande pas un 100 m². Un F1 lui suffirait amplement. Par contre, Sylviane souhaite continuer à vivre dans le 4e arrondissement. Un médecin a établi un certificat médical en avril 2009 car, d'une santé fragile, Sylviane doit habiter dans notre arrondissement à proximité de ses enfants qui veillent sur elle.
Or depuis 2010, Sylviane est l'objet de la part des services administratifs de la Ville de Paris d'une série de procédures dont je laisse seul le lecteur apprécier ce que l'on peut en penser :
- Le 20 juin 2010, un courrier signé du chef de service des ressources (dites) humaines de la DASCO (la Direction des Affaires Scolaires) de la Ville de Paris lui enjoignait de partir au plus tard le 31 août 2010. Au delà de cette date elle "s'exposait à une procédure d'expulsion". De plus il était ajouté "Je tiens à vous signaler que vous allez très prochainement être assujettie au versement d'une redevance proche des prix du marché au titre de l'occupation de cet appartement". "A défaut de paiement spontané de votre part, votre redevance pourra, le cas échéant, être prélevée automatiquement par le Trésor public, selon les procédures en vigueur".
- Nouveau courrier en décembre 2010 signé cette fois du sous-directeur de l'Administration générale et de la Prévision scolaire. L'auteur lui précise "en aucun cas vous ne devez subordonner votre départ à l'obtention préalable d'un logement dans le secteur social". "Vous allez être prochainement assujettie au paiement d'une redevance d'occupation qui n'aura aucunement pour effet de régulariser votre situation. En outre j'envisage d'engager une procédure d'expulsion à votre encontre si l'occupation de votre logement ne prend pas très rapidement fin, au plus tard le 16 mars 2011".
- Elle reçoit un nouveau courrier dans la même verve de la part de la directrice des Affaires scolaires le 7 février 2011.
- Evidemment très inquiète pour sa situation Sylviane a écrit un courrier le 8 février 2011 au maire de Paris. Elle y rappelait sa situation : depuis son départ en retraite en novembre 2009, elle ne gagne plus que 1 350€ par mois et donc il lui est impossible d'obtenir un F1 dans le secteur privé dans le 4e. Dès le 16 février, Sylviane a reçu une réponse de la part du cabinet du maire de Paris. On lui répondait que "le maire de Paris a tenu à garantir aux demandeurs de logements une procédure d'attribution reposant sur l'équité, l'objectivité et une totale transparence dans l'exercice des droits de désignation de la Ville de Paris sur le contingent qui lui est réservé" puis que la priorité d'accès au logement social est accordée "aux ménages démunis, aux familles comportant une personne handicapées ou à mobilité réduite, aux familles occupant des logements ayant fait l'objet de procédures pour insalubrités graves, ainsi qu'aux jeunes ménages"... Quant aux séniors à faibles revenus menacés d'expulsion par la Ville de Paris, en gros, eux ils peuvent aller se rhabiller ! L'auteur de la lettre ne donnait aucune réponse concernant la menace de se retrouver à la rue dont Sylviane fait l'objet.
- A peine quelques jours plus tard, la vraie réponse prend la forme d'un courrier daté du 9 mars 2011 : un arrêté du maire de Paris signé par le sous-directeur des emplois et carrières. L'article 2 est édifiant : On annonce à Sylviane qu'elle sera astreinte à "une redevance mensuelle de 592€ du 1er avril au 30 septembre 2011, de 889 € du 1 octobre 2010 au 31 décembre 2011, de 1 184€ du 1 janvier 2012 au 31 mars 2012, de 1 1776€ du 1er avril 2012 au 30 septembre 2012 puis de 3 552 €au de-là" !!!! Faut-il en déduire que le prix du m² sur le marché auquel il était fait allusion dans le courrier du 20 juin 2010 (voir supra) est appelée à connaître une telle inflation pour justifier une telle somme alors que le logement occupé par Sylviane ne fait qu'une trentaine de m². La Ville de Paris s'est montrée d'une totale impuissance à propos de la flambée des prix dans l'immobilier mais, à 100€ le m² , cela ne va pas vraiment montrer le bon exemple ! Cela fait plus de 1 000 € par an le m² !!! En tout cas c'est une étrange réponse à la lettre adressée par Sylviane au maire de Paris !
Que d'acharnement savamment distillée sur cette pauvre femme qui a pourtant passé sa vie au service des habitants du 4e arrondissement.
La maire du 4e arrondissement est elle bien sûr informée du dossier puisque Sylviane qui est dans un état moral inquiétant se rend à sa permanence en mairie tous les jeudis.
Lors de son discours-programme de voeux prononcé le 13 janvier 2011, Madame Bertinotti a affirmé qu' "Estimant que chaque citoyen doit être respecté en tant que tel, nous avons travaillé ces derniers mois à un système expérimental de suivi personnalisé des sans-abris de notre arrondissement qui seront, à compter du 1er février 2011, directement suivis par les services sociaux du 4e". Faut-il que Sylviane se retrouve à la rue pour avoir droit à la sollicitude de la maire ?
Madame la maire s'était aussi signalée dans ce même discours par son engagement en faveur d' "une réflexion sur le "Bien Vieillir" afin de concevoir des initiatives nouvelles et appropriées aux attentes nouvelles des séniors d'aujourd'hui et de demain" où émergeraient quatre projets dont un relatif au "lancement d'une réflexion sur la question du logement des personnes âgées" en posant la question des "solutions à inventer au sein même de l'habitat". A la lumière du dossier de Sylviane, on peut se demander si cette réflexion, qui repose sur une fort belle rhétorique, correspond bien à une quelconque réalité.
Enfin, en ce qui concerne les courriers envoyés par la Ville de Paris, je renvoie à nouveau au discours des voeux de la maire du 4e prononcé en janvier 2011. En conclusion, elle citait une des plus brillantes plumes de la pensée libérale du XIXe siècle : Benjamin Constant, en soulignant l'importance d'une "autorité juste". Que peut-on penser d'une collectivité locale qui, se trouvant en défaut de proposer un logement social adéquat à un ancien agent exemplaire dans son service, n'hésite pas à recourir à des menaces d'expulsion et de loyers à évolution exponentielle ?
Sylviane ne fait que demander un F1 dans le parc social du 4e arrondissement. La demande logement a été faite en mars 2005... Il y a donc 6 ans ! Est-ce trop demander pour une personne âgée qui a tant participé à la vie sociale et associative de notre arrondissement durant 36 années et qui est soutenue par les anciens parents d'élèves ?
Un peu d'humanité donc... Pas dans les beaux discours mais dans la pratique !
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